Histoire et géographie des souks

Histoire et géographie des souks

L’anarchie apparente qui règne dans les Souks de Marrakech cache une organisation sociale et géographique évoluée. En fonction de leur profession, l’activité des artisans et commerçants est régie par d’anciennes règles spécifiques et une localisation géographique déterminée. La pérennité de plusieurs aspects de l’organisation traditionnelle contribue à rendre les souks marrakchis incontournables.

Vieux de huit siècles, ils furent d’abord le lieu d’activité pour les tisserands et les tanneurs. Peu à peu, différentes activités s’y installèrent, exerçant tant avec le monde rural qu’avec la ville.

 

Au fil du temps, chaque corps de métier se structura, s’établie dans une zone délimité, afin de fonder des corporations. Celles-ci établissent des règles strictes et une hiérarchie professionnelle. Sur l’échelle ascendante, l’apprenti se trouve à la base pour un certain nombre d’année, le temps de connaître le métier. Il termine son apprentissage en réalisant une pièce de sa propre création que juge une commission de mâalems (maîtres). Il peut ensuite s’installer à son compte et devenir artisan. Les mâalems détiennent tous les secrets de la profession et en sont les garants et enseignants. Au-dessus d’eux un dernier personnage, l’amine (homme de confiance), est élu par tous et chargé de résoudre les litiges entre artisans ainsi que les conflits maîtres-apprentis. De nos jours, les souks de Marrakech compte encore plus de 2600 artisans pour une vingtaine de corporations.

Une géographie précise

 

La répartition géographique des souks n’a rien d’aléatoire mais dépend de plusieurs critères : la valeur commerciale de la marchandise, l’espace nécessaire à sa fabrication et les nuisances éventuelles pouvant incommoder le voisinage. Ainsi sont bannis du souk les tanneries (quartier Debbaghine) où l’on emploie depuis toujours des méthodes ancestrales afin de colorer le cuir. A l’extérieur aussi les encombrants ateliers des potiers. On retrouvait les plats à tajine, bougeoirs, cendriers et vases au souk des potiers (souk Ferkharines) que l’on retrouve désormais un peu partout. Le souk el Khemis (souk du jeudi) était également relégué en dehors de l’enceinte de la médina car il accueillait le bruyant marché au chameau, on y trouve désormais quotidiennement un marché aux puces.

 

En périphérie tenaient place les souks relatifs à l’alimentation, denrées peu onéreuses : sur la ceinture sud se trouvaient le souk des dattes (souk Ableuh, aujourd’hui marché des olives), le souk des œufs (souk Behadine), le souk des viandes (souk Djemma El Fna, attenant à la place), et le toujours très odorant souk de la volaille. Ce dernier organise des ventes aux pigeons le vendredi et le dimanche. Sur la ceinture nord, le souk du vermicelle (souk Chaia) voyait les femmes battre le blé et transformer la semoule en pâte.

 

De même, les souks en rapport avec le monde rural étaient relayés sur les bords. C’étaient le cas par exemple du souk des cordes (souk Cheratines, désormais domaine privilégié de la maroquinerie) ou du souk Serrajines (souk des selles de cheval, dont quelques exemplaires ornent encore les lieux). Le vaste et drapé souk Smarine (souk des Maréchaux Ferrands) vend maintenant du Djellaba au t-shirt alors qu’auparavant on y ferrait les chevaux.

 

Juste au-dessus se situe le souk Nejjarines (souk des menuisiers) dont les ateliers largement ouverts empiétaient tout autant sur la rue. C’est toujours le cas mais ils sont beaucoup moins nombreux et délocalisés en différents pourtours.

Au cœur du grand souk, les gens affluaient. On y achetait en premier lieu des produits de luxe notamment au souk Harrarine Kdima où l’on vendait de l’étoffe en soie, au souk Tagbutgine (marché des bijoux en or), lequel s’est aujourd’hui doté de vitrines protectrices.

 

On trouvait également au centre tout ce qui concernait le soin du corps; du marché au henné (souk Hanna), pour les cheveux et l’art décoratif des mains, au souk Ghazoul. Le Ghazoul est aujourd’hui de l’argile employé pour le lavage des cheveux. Autrefois, le nom désigné un savon naturel tiré d’une plante et que les Berbères utilisaient pour laver vêtements et peau.

Enfin, le marché des épices, marchandises coûteuses car parfois venues de loin, se logeait pareillement au milieu du quartier (souk El Attarine). Désormais, épiciers et apothicaires traditionnels sont établis place Rhba Kdima où l’on peut trouver des plantes pour tous les remèdes, et même tous les usages. Quant au souk El Attarine, il est devenu l’univers très reflétant des dinandiers, enfouis derrière plateaux en cuivre, théières, coffrets à sucre et chandeliers.

Deux artisanats principaux

 

Deux matières premières principales sont à la sources de nombreux souks depuis toujours : la laine et la peau (de mouton ou chèvre). Celles-ci nécessitent plusieurs transformations avant l’obtention d’un produit fini.

 

Le marché de la laine commence au souk Lghzal, où, au milieu de la place de formidables pelotes pendent, accrochées aux poternes. Avant ou après, la laine subie une première transformation chez les teinturiers (souk Sebbaghine). Ils sont moins d’une dizaine à exercer encore la profession contre plus de 100 il y a trente ans. Le teinturier passe sa journée au-dessus d’une bassine d’eau pigmentée bouillonnante à y plonger la laine jusqu’à imprégner de la couleur voulue : amande sauvage pour le vert, pistils de safran pour le jaune, coquillage murex pour le violet, pierre d’edenzigo pour le bleu, coquelicot pour le rouge, etc. Les teintes sont différentes chaque jour ce qui pare le souk des teinturiers de couleurs continuellement nouvelles, lors du séchage des pelotes. Ensuite, les tisserands peuvent réaliser couvertures, hendiras ou tapis. Les feutrier (souk Labhaddines) confectionne le lebda, petit tapis réservé à la prière. Ils ne sont plus que deux. Le souks des tapis (souk Zhrbia) accueille chaque jour vers 16heures30 la « criée berbère ». La dalla (criée) est mené par un dllal. Celui-ci déroule un tapis, fixe un prix et les enchères peuvent monter. C’est un moment riche en élocutions, où chacun semble jouer un rôle pour rendre le négoce pittoresque. Les tapis rbati ont le style des riches demeures. Ceux des nomades du Haut Atlas portent les dégradés de l’horizon et des montagnes. De Marrakech à Ouarzazate, les tapis dits glaoua ont un fond noir.

 

La filière du cuir débutait quant à elle dans deux placettes annexes à la place Rhba Kdima; le marché des peaux de moutons (souk El Btana) s’est reconverti l’an passé en bazar et le marché des peaux de chèvres (souk El Maazi) est un parking à bicyclettes motorisées. Aujourd’hui, c’est au souk Nahl et souk Jeld (marché de la peau, du cuir) que des amas de peaux s’empilent et attendent d’être tannés. Les tanneurs, ayant effectué leur dur labeur, viennent ensuite décharger des brouettes entières de cuir notamment au souk Cherratines (ancien marché des cordes). Ici, de nombreux ateliers donnent forme à la matière et vendent ceintures et autres produits finis. Les babouches remplissent le souk Smata (ancien marché de la ceinture). Entre les babouches berbères à bout rond, celles arabes à bout pointu et la créativité et l’audace des artisans, on trouve forcément chaussure à son pied. Depuis tout temps les sacoches s’achètent au souk Chkaïria (souk des fabricants de sacoches). Les poufs, portefeuilles et sacs à main sont vendus dans les boutiques de maroquinerie, situées dans divers souks.

Ces deux chaînes de fabrication artisanale sont facilement repérables et particulièrement intéressantes à découvrir. Surtout, elles perpétuent un mode de production originel et vital pour l’esprit du souk qui repose sur une complémentarité de plusieurs métiers. Chaque étape est l’extension d’un savoir-faire et révèle une des fonctions premières du souk : la complémentarité entre les hommes, chacun offrant de son savoir-faire à l’autre.

 

Pour finir, impossible de ne pas évoquer l’univers du souk Haddadines (marché de ceux qui travaillent le fer). Au milieu des étincelles et de la fumée, ferronniers et forgerons donnent vie au fer forgé. Celui-ci envahie tout l’espace, des terrasses à la chaussée, avant de s’animer, sous l’habile main des artisans, en lanternes, lustres, grillages, serrures, etc.

 

Emilien Gauthier | Marrakech MArrakech

 

 

 

Les portes de Marrakech

Avant de devenir une importante destination touristique, Marrakech était une importante forteresse servant de refuge aux caravanes sahariennes et abritant le pouvoir exécutif de nombreuses dynasties marocaines. Le développement urbain de la ville a conduit au fil des siècles à une extension des murailles de défense de la ville et à la construction de nombreuses portes d’accès à l’architecture parfois spendide.

Le tour des remparts de Marrakech associé avec un arrêt au pied des plus impressionnantes portes de la ville permet de mieux comprendre les styles architecturaux des différentes dynasties mais également d’avoir un aperçu rapide de la richesse historique de la ville de marrakech.

Les portes de la ville de Marrakech

Bab Aghmat : Porte au plan original qui s’ouvre dans un des bastions de défense de la ville. On pense que la curiosité architecturale de cette porte est dûe au renforcement de la porte primitive d’époque almoravide.

Bab Agnaou : Principale entrée de la Kasbah, Bab Agnaou est l’une des portes les plus spectaculaires de Marrakech. Elle fut construite en pierre de Gueliz et est composée d’immenses arcs tous différents. A son origine, cette porte comptait également deux tours qui ont aujourd’hui disparue. C’est de cette particularité historique que Bab Agnaou tire son nom, la « porte du bélier sans cornes ».

Bab Ahmar

Bab Aylen : Construite à l’époque Almohavides, cette porte se caractérise par un aspect coudé. Elle porte le nom d’un peuple berbère.

Bab Berrima

Bab Doukkala : Cette porte d’origine almoravide doit son nom à un territoire homonyme habité par des populations almohades. Elle est composé de deux bastions en saillie de part et d’autre et d’une porte livrant passage à un corridor.

Bab Ech Charia

Bab Ed Debbagh : Construite sous la dynastie Almoravide, Bab Ed Debbagh se singularise par ses cinq coudes successifs qui donnent accès au quartier des tanneurs.

Bab El Jdid : Cette porte marque l’accès entre le quartier de l’hivernage et la Médina en passant devant la Manounia, le célèbre palace. Son principale intérêt réside dans la parfaite conservation des remparts crénelés qui l’entourent.

Bab El Khémis : La « porte du jeudi » tire son nom de sa vocation de point de passage vers le souk principal de la ville qui se tenait uniquement le jeudi.

Bab El Makhzen

Bab El Raha

Bab Er Rharaza

Bab Er Robb : Cette porte de couleur ocre constitue un très bel exemple de l’architecture défenseive marocaine du 12ème siècle. Joliement ornementée, sa vocation historique était de servir de point de contrôle à l’entrée de boissons alcoolisées dans la Médina.

Bab Fteuh

Bab Ighli

Bab Ksiba

Bab Nkob : Sans aucun intérêt architectural, elle est la principale porte d’accès entre le quartier moderne du Gueliz et la Médina.

Bab Taghzout

source: PM Coupry | Marrakech City Guide

 

Les remparts de Marrakech
Les 19km de remparts de Marrakech sont désormais coupés par 22 portes. Ces portes sont le témoignage de l’évolution au cours des siècles de la superficie de la ville. Les plus anciennes Bab er Robb ou Bad Agnaou sont un témoignage de l’art architectural Almohade alors que d’autres ont été construites plus récemment.

L’intérêt architectural et historique de ces différentes portes est variable. Ainsi Bab Agnaou servait de porte d’entrée à la Kasbah et avait une réelle utilité défensive comme en témoigne son passage en S. Bab el Robb, anciennement appelée Bab Neffis du nom de la confiture d’abricot qui fut fabriqué à proximité, a semble-t-il pour sa part toujours eu une vocation plus décorative que défensive.

L’étymologie de leur nom illustre la richesse culturelle du Maroc mais est aussi souvent un témoignage de l’importance de certaines activités artisanales et administratives ou de certaines régions. Bab Fès s’ouvrait ainsi vers la cité impériale mais a été renommée Bab El Khemis, le nom du marché qui se tient à proximité. Bab Doukkala, Bab Aylen, Bab Yintan, Bab Ahmar ou Bab Massufa portent les noms de tribus.